Vivre avec la DCB - maladie rare
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Mon père âgé de 75 ans est atteint de DCB

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Mon père âgé de 75 ans est atteint de DCB Empty Mon père âgé de 75 ans est atteint de DCB

Message  Vaipaiiiii Dim 24 Fév - 14:00

Je m'appelle Martine, je suis la seconde d'une famille de 3 enfants (3 filles), j'ai 47 ans je suis célibataire et vis en région Parisienne. Je précise ces éléments d'état civil parce qu'ils me semblent importants pour la suite.
Deux soeurs donc, l'une plus âgée, mariée, 3 enfants, vivant en banlieue toulousaine (appelons la S1), et une plus jeune (S3), mariée, deux enfants, vivant en lointaine banlieue parisienne.
Mon père est ingénieur physicien, il a commencé sa carrière comme chimiste, selon ses propres mots il lavait des tubes à essai dans une grande société pharmaceutique, et il a passé son diplôme d'ingénieur en parallèle, au CNAM. Une intelligence vive et analytique.

Mes parents ont déménagé dans le Gers, à 60 km de Toulouse, quand ils se sont retrouvés en retraite.

Il y a quelques années (4 ou 5 ans, j'avoue que je ne sais plus), mon père a commencé à lâcher les objets qu'il tenait dans la main gauche, et à se plaindre d'une douleur dans l'épaule. Il pensait que c'était une tendinite. Très sincèrement ce point n'a jamais été éclairci et aujourd'hui ça n'a plus vraiment d'importance, je crois utile de le mentionner pour des personnes qui seraient en début de maladie.
Quand il a commencé à perdre les sensations de la main gauche, il est allé consulter un neurologue (celui de ma maman, qui elle est atteinte de tremblements essentiels, oui, dans la famille on tremble).
Il est est revenu avec ce diagnostic "Je suis atteint d'une maladie dégénérescente du cerveau, "un faux Parkinson", on ne sait pas comment ça évolue, on verra". Ca devait être en 2008 d'après mes calculs, il venait d'avoir 70 ans. je crois qu'il était déjà malade quand nous avons fêté leurs 70 ans en été 2008. La chronologie m'échappe un peu, les événements des derniers mois ont été si durs à supporter...
Le neurologue aurait alors dit à ma mère en aparté que l'on ne savait pas vraiment comment cette maladie évoluait, mais qu'il était possible qu'il n'en ait plus que pour 5 ans.

Durant les premiers mois suivant ce diagnostic nous n'avons vu que peu d'évolutions. Des petites choses quand même, il avait de plus en plus de mal à comprendre comment utiliser le carnet d'adresses d'outlook, chez ma soeur subitement il ne savait plus où était la chambre, ou bien il effectuait des tâches ménagères (comme débarrasser la table) de plus en plus méthodiquement, machinalement, comme s'il s'accrochait à ces tâches.
Puis est venu le moment où nous avons dû lui interdire de conduire, car il ne pouvait plus du tout utiliser sa main gauche.
Il est devenu de moins en moins bavard. Quand je l'avais au téléphone, il m'informait chaque fois qu'il était malade, qu'il avait "un faux Parkinson". je lui répondais chaque fois que je savais, que ça faisait un moment. Il me répondait "ah bon". A l'époque il se rendait compte qu'il était malade, mais je ne sais pas si à un moment il a compris qu'il perdait la tête. Je pense que non, en fait, ou alors vraiment au cours des derniers mois.
A l'automne 2010 il nous a donné à mes soeurs et à moi une grosse somme d'argent. Nous nous sommes aperçues à cette occasion qu'il ne savait plus compter.
C'est ainsi que fut diagnostiquée une DCB il y a maintenant 3 ans 1/2 (en septembre 2010)
Pour ma part il n'y a que quelques mois que j'ai mis un nom sur cette maladie, quand les troubles ont commencé à être douloureux pour nous tous.
La maladie a continué d'évoluer tout doucement. Il passait de plus en plus de temps devant la télé. Il a perdu le goût à un moment. Ses journées rythmées par la prise de médicaments se passaient entre sa télévision, sa vaisselle, les repas à heures fixes.J'ai vraiment la sensation qu'il a développé des obsessions (les médicaments, la télé, les repas) auxquelles il se raccrochait probablement pour maintenir une certaine temporalité.
Ce n'est pas facile à dire, ils sont si loin et même si je passe toutes mes vacances chez eux depuis leur déménagement en 98, ce n'est pas assez pour rendre compte de l'évolution quotidienne de la maladie.
A l'été 2011 j'ai passé 2 semaines chez eux, ça allait encore à peu près. Ma soeur y est allée 1 semaine après mon départ, elle est revenue catastrophée. Il venait de passer un premier palier.
J'y suis allée à noël 2011, et c'est là que l'horreur a commencé pour moi.
Mon père n'était plus là, il n'y avait plus que son corps meurtri et handicapé.
Il ne pouvait plus du tout utiliser sa main gauche; Il marchait en trainant les pieds, comme un petit vieux (il n'avait que 73 ans). Il n'avait plus aucune conversation. Lui qui aimait tant les bons vins se fichait complètement de ce que nous buvions à table. Les repas étaient trop longs pour lui, il allait se coucher entre le plat principal et le dessert. Son regard était vide. Il ne savait plus comment faire fonctionner le lave vaisselle (le soir de mon départ il m'a demandé 5 fois de lui montrer comment on faisait "parce qu'il avait peur d'oublier", il essayait de régler le chauffage avec la télécommande de la télé.
La déchéance avait commencé.

Nous avons supplié ma mère de le remmener chez le neurologue. Ce qu'elle a fait. Mais comme ses troubles n'étaient pas constants (d'après ma mère il était bien un jour sur deux, comme ton mari Elleauxailes), il parvenait encore à duper le neurologue, car il comprenait je crois qu'il lui fallait montrer qu'il n'était pas malade. En fait nous avons compris plus tard qu'il préparait ses rendez vous en posant des questions à ma mère juste avant. Du coup le neurologue a dit qu'il n'y avait pas d'évolution de la maladie... ce qui nous a mises hors de nous, comment pouvait on dire une chose pareille ?
Ma soeur toulousaine a alors pris les choses en main et lui a pris rendez vous à Purpan, dans un service spécialisé en maladies gériatriques. Je suppose qu'il a dû voir les mêmes spécialistes que ton mari. Le spécialiste a confirmé le diagnostic de DCB, en nous expliquant qu'il n'y avait rien à faire, que la maladie allait continuer d'évoluer, et qu'on pouvait juste essayer de la ralentir avec un traitement mieux adapté.
C'était en mars 2012, il y a tout juste un an.

Au même moment on me diagnostiquait une dépression nerveuse.

En avril 2012, nous avons tenu à fêter avec eux leurs 50 ans de mariage, car nous avions le sentiment que nous n'aurions pas beaucoup d'autres occasions de faire des repas de famille, d'être tous ensemble réunis pour fêter quelque chose de gai.
A ce moment il comprenait encore ce qui lui arrivait. Il était terrifié. "je ne veux pas partir maintenant" "promettez moi que vous prendrez soin de votre mère quand je ne serai plus là"
Ses journées n'étaient plus rythmées que par les émissions de télévision, et encore il demandait sans arrêt à quelle heure ça commençait. Il ne savait plus lire l'heure que sur le four micro ondes. il avait perdu la notion du temps qui passe, et tout lui semblait long, interminable.
Nous avons commencé à comprendre qu'il menait une vie infernale à ma mère, car il venait la réveiller en pleine nuit pour lui demander à quelle heure commençait son émission de télévision, à quelle heure il devait prendre son médicament. C'est à ce moment que ma mère a déménagé sa chambre dans le salon parce que nous ne voulions plus qu'il monte les escaliers dans la nuit, nous avions peur qu'il tombe. (ils faisaient chambre à part depuis des années). je vous passe les scènes de colère parce qu'il voulait faire lui même sa déclaration d'impôts et que seule ma mère pouvait l'aider, nous nous ne comprendrions pas, et puis nous n'arrêtons pas de déplacer ses papiers (c'était lui qui les déplaçait chaque fois), et il hurlait parce que ma mère ne venait pas assez vite alors qu'elle seule pouvait l'aider. Ce qui me fait dire qu'il ne se rendait pas vraiment compte à quel point il avait déjà décliné.

Ensuite j'avoue je n'ai plus pris de nouvelles jusqu'au mois d'août, j'étais au fond du trou, il fallait que je me protège.

Je suis allée passer une semaine avec eux fin août. Heureusement je commençais à aller mieux. Je ne leur ai dit qu'à ce moment là que je n'avais pas travaillé depuis le mois de juin, parce que je souffrais d'une dépression nerveuse. Ils ont été peinés que je ne leur en aie pas parlé avant. Même lui il a compris. Il comprenait encore quelques petites choses comme ça. C'est fini aujourd'hui.
Durant cette semaine j'ai pu constater à quel point il avait encore décliné depuis le mois d'avril. Il dormait la journée, plus la nuit. Il se levait à 2h du matin, voulait prendre son médicament, trouvait le mot que ma mère avait laissé "pas maintenant", mettait la table du petit déj, partait en laissant la lumière allumée (c'est en me levant une nuit parce que j'entendais du bruit en bas que je m'en suis aperçue), montait les escaliers pour allumer l'ordinateur (pour voir la date), puis allait réveiller ma mère pour qu'elle change la chaine de télévision, etc.
Ma mère ne pouvait plus rien faire parce qu'il la sollicitait sans arrêt, littéralement 24/24, il ne pouvait plus rien faire tout seul, même pas aller aux toilettes, elle devait lui descendre la fermeture de son pantalon, même ça il n'y arrivait plus. S'asseoir à table était une véritable acrobatie, car il était incapable d'avancer la chaise jusqu'à la table avec ses bras une fois qu'il était assis, alors il procédait par petits sauts.
Le matin de mon départ, ma mère est venue me réveiller en catastrophe "Martine, viens, j'ai besoin d'aide, ton père est tombé, il a réussi à se relever mais il a entrainé la nappe avec lui et il faut tout ramasser"; Il s'était assis à côté de la chaise... je ne sais par quel miracle il ne s'est rien cassé ce jour là. Mais moi j'ai pris peur. Et s'il retombait et ne pouvait pas se relever ? Ce n'était pas ma mère qui allait pouvoir le relever (elle a le même âge que lui et est percluse de rhumatismes, je ne veux pas parler de son état ici, mais je le ferai plus tard, c'est important de voir à quel pont les accompagnants souffrent aussi). Alors quoi ? Il fallait le laisser tomber et se casser quelque chose ?

Le 3 septembre j'ai repris le boulot, et le médecin du travail à qui j'ai confié mes inquiétudes m'a dit que nous n'avions malheureusement pas d'autre choix que de le mettre en maison de retraite, que ça ne servait à rien de tergiverser, parce que ce serait de toutes façons de plus en plus dur.

J'ai commencé à en parler à mes soeurs. Qui ne m'ont pas entendue. S1 n'avait pas vu mon père depuis juin et S2 depuis avril. Elles n'avaient pas vu ce que j'avais vu moi. Quant à ma mère, elle était en plein déni, pas question de même aborder ce sujet avec elle.
Alors je me suis tue. 2 semaines.

Le 21 septembre mon père tombait de nouveau. Dans la rue. Le lendemain il était transporté d'urgence à l'hôpital. Fracture du bassin. Ma mère pensait qu'il sortirait au bout d'une semaine. Comme je lui proposais de venir l'aider quelques jours (j'avais encore tous mes congés à prendre), elle m'a dit d'attendre qu'il soit rentré, car c'est à ce moment là qu'elle aurait besoin de moi.

J'y suis allée une semaine plus tard; papa était toujours à l'hôpital d'Auch. J'ai passé 10 jours là bas, nous passions toutes nos après midis auprès de lui, maman et moi, et S1 venait aussi souvent que possible. C'était l'horreur. Il ne savait pas où il était. Il croyait qu'il était en prison. Il voulait rentrer chez lui. Nous engueulait parce que nous l'abandonnions tous les soirs. Menaçait de se suicider (avec une fourchette lol). Il falalit l'attacher à son fauteuil car il essayait sans cesse de se lever. Il ne comprenait même plus ce qui passait à la télé, il ne savait pas changer de chaine, réveillait les infirmières la nuit pour qu'on lui allume la lumière. Secouait les barreaux de son lit pour les faire tomber. Quand je suis partie S2 est venue prendre le relais. Elle a eu un choc terrible. En est revenue dans un état proche de la dépression. Il venait de franchir un nouveau palier de la maladie.

Fin octobre il devait rentrer à la maison, j'y suis donc retournée 10 jours. Ma mission était d'essayer de montrer à ma mère qu'elle ne pouvait pas le reprendre, et d'être là pour son retour afin de l'aider car je ne voyais pas du tout comment elle allait pouvoir l'aider ne serait ce qu'à aller aux toilettes. J'ai passé quelques jours à mettre toutes les aides en place, aidée en ceci par l'assistante sociale de l'hôpital, une personne géniale.
Le week end du 1er novembre, mon père, qui remarchait depuis peu, est tombé pendant la nuit. En secouant une fois de plus les barreaux de son lit, il avait réussi à les faire tomber et avait roulé par terre. Pas de fracture. Mais il a cessé de marcher (d'ailleurs moi à l'époque je ne l'ai jamais vu marcher). Syndrome post chute. Un jour, je suis arrivée à l'hôpital et impossible de comprendre ce qu'il disait. Une suite de mots sans rapport les uns avec les autres. Il construisait des phrases, avait une intention, mais ce n'étaient pas les bons mots qui sortaient. Le point positif c'est qu'il avait le sourire. Ce jour là il n'a pas fait de colère. Le lendemain il parlait de nouveau, mais pleurait de nouveau aussi. Le fameux "ON" "OFF". Ma mère restait de plus en plus tard car il ne pouvait plus manger seul, elle l'aidait donc à manger chaque soir. Elle était épuisée. Il ne savait plus allumer ni éteindre la lumière, une après midi il a passé des heures à essayer de comprendre comment fonctionnait l'interrupteur (et moi à essayer de le lui expliquer pendant que ma S1 ne pouvait s'empêcher de rire).
Nous avons commencé à subir une certaine pression de la part des aides soignantes. Elles tardaient à venir lorsque nous les appelions. Nous avons même eu droit à un "Débrouillez vous donc pour le mettre à la selle, puisque vous voulez le ramener à la maison". Il devait sortir le 9. La veille de mon départ. Durant toute la semaine, chaque jour, j'ai eu la lourde tâche d'expliquer à ma mère que ce n'était pas possible, qu'elle ne pourrait jamais s'en occuper seule. Mais elle voulait absolument essayer, avec un dispositif très lourd d'aides à domicile.
Le vendredi 9, ma mère venait de partir pour l'hôpital, je devais la rejoindre un peu plus tard, le temps de finir mes bagages car je dormais chez ma soeur le soir.
Le téléphone sonne. Ma soeur. "Martine, je viens d'avoir un appel du cadre infirmier, ils s'opposent à un retour à domicile". J'ai rappelé le cadre infirmier pour me faire confirmer, et ai convenu avec lui qu'il ne dise rien à ma mère jusqu'à mon arrivée.
C'est donc moi qui ai annoncé à ma maman, dans un couloir d'hôpital, ce 9 novembre 2012, que son époux ne rentrerait jamais chez lui. Qu'il fallait lui trouver une place en USLD (maison de retraite hautement médicalisée). Elle a pleuré. Puis m'a avoué être soulagée.

A partir de là ma soeur a passé son temps à chercher le meilleur USLD du coin, à remplir des dossiers, à faire des tonnes de démarche.
Le 3 décembre il est entré à l'USLD de Gimont.
ce fut un soulagement pour tout le monde. Au moins il était pris en charge.
J'y suis allée à noël, j'ai vraiment été rassurée. Il était globalement souriant (sauf au moment du départ), le personnel était sympa, et même il remarchait.
Bon, il faisait la tournée de toutes les chambres pour voler les télécommandes de tout le monde, mais à la limite ça nous faisait rire.
Nous avons pu l'amener chez lui le 25/12, pour un repas de noël avec toute la famille (filles, petits enfants, beaux fils...). Ce fut une merveilleuse journée. vraiment. Il ne s'est pas levé mais il a mangé de bon coeur, il était heureux d'être là avec nous. A 17h il a voulu rentrer à Gimont, ce qui nous a agréablement surprises car nous avions peur qu'il ne veuille jamais repartir. Bon il nous a quand même dit à un moment "je n'ai absolument aucun souvenir d'avoir vécu ici". Cruelle réalité de la maladie.

Nous sommes rentrées rassurées en région parisienne.

Le 3 janvier notre grand père âgé de 98 ans décédait. Nouveau départ dans le Gers, ,puisqu'il vivait là bas lui aussi, dans une autre maison de retraite.
A l'occasion nous sommes bien sûr allées voir mon père, la veille et le jour des funérailles. Il allait pas trop mal. Avait du mal à réaliser l'importance de l'événement qui nous avait menées là. En fait mon grand père s'appelait Georges comme l'oncle de mon père, il croyait donc que c'était son oncle qui venait de décéder. Tonton Georges est mort dans les années 80. Je ne l'ai pas vu marcher ce jour là, il avait mal au genou et rechignait à se lever.

Peu de temps après il tombait en se levant la nuit. Nouveau palier.

Le 26 janvier, texto de ma mère. "Papa ne va pas très bien depuis sa dernière chute dans la nuit de jeudi à vendredi. Il reste couché. Il y a même le verticalisateur dans sa chambre. de plus il est complètement inaudible. j'attends avec impatience les résultats du bilan qu'il va passer lundi matin à Auch"
Le 30 janvier "je suis complètement au ras de terre aujourd'hui. Papa est au lit mais il parle bien. Pas de changement à prévoir sauf augmenter la dose de modopar et les séances de kiné"
Le discours officiel de ma mère était encore qu'il allait remarcher.

Je l'ai appelée le 9 février pour avoir des nouvelles d'elle aussi. Elle allait mieux. Commençait à avoir l'esprit plus libre (elle a eu des tonnes de choses à faire suite au décès de son père, et comme elle passe ses après midi entières avec mon père...). Mais là elle m'a enfin avoué qu'il ne remarcherait pas. c'est le neurologue qui l'avait dit. Et qu'il était très difficile à comprendre la plus grande partie du temps. Mais qu'il comprenait encore ce qu'on lui disait. j'ai pleuré tout le week end.
Je l'ai appelé lui le lundi 11. Il m'a reconnue, ma saluée et a répondu à mes questions par des suites de mots incompréhensibles, comme cette fameuse fois à l'hôpital en novembre.
Depuis ce jour je sais que je n'aurai plus jamais de conversation avec mon père. Un nouveau palier venait d'être franchi.

J'ai rappelé vendredi 22. Oui je n'appelle pas très souvent. Mesure de protection d'une dépressive qui vient juste de recommencer à vivre normalement. Mais là ma mère venait de passer un scanner (enfin elle a accepté de s'occuper d'elle-même), je voulais donc savoir ce qu'il en était. Et demain (lundi 25/2/2013) mon père aura 75 ans. Je vais devoir l'appeler, je voulais en quelque sorte me préparer, répéter, pour ne pas fondre en larmes en lui souhaitant un joyeux anniversaire. Parce que cette date, je la redoute (mes soeurs aussi), nous ne pouvons nous ôter de l'esprit l'idée que ce sera probablement son dernier anniversaire, ou du moins que ce sera la dernière fois qu'il comprendra que nous le lui souhaitons.

Donc vendredi. Ma mère a tenu à me le passer. "il articule à peu près bien aujourd'hui mais tu sais la majeure partie du temps on ne comprend plus ce qu'il dit"
"Bonjour papa, comment vas tu ?"
"Ca va. Tu sais je n'ai rien à raconter"
"ah bon ? vraiment ?"
"non krkrkemmegnueukrreugnmmeneugkrrr. Enfin c'est simple quoi"
"ah non c'est pas simple du tout, j'ai rien compris..."
Et là ma mère a eu mal au bras (c'est elle qui lui tient le téléphone, il ne peut plus le faire lui même)
Moi j'avais envie de pleurer.
Cette envie ne m'a pas quittée depuis, au contraire.
Hier S1 m'a appelée. Nous avons discuté longuement. En fait elle avait l'intention de nous prévenir ce week end qu'un nouveau palier venait d'être franchi.
Je lui ai dit que je ne comptais pas retourner dans le Gers avant cet été. Elle m'a conseillé de réfléchir. De venir vite au contraire. Pour avoir au moins une chance de le voir tel qu'il est actuellement. Parce que dans 10 jours... on ne sait pas.

C'est comme ça que je suis arrivée ici. J'ai pleuré tant pleuré hier encore. Et j'ai tapé dans google la question fatidique, celle qu'on repousse le plus longtemps possible "comment meurent les personnes atteintes de DCB ?"
Et ce que j'ai lu ne m'a pas rassurée. Tout ce que je sais c'est que personne ne veut en parler, que personne ne sait vraiment, que l'on manque de recul, mais que ça a l'air très pénible et douloureux. Encore plus douloureux que tout ce que je viens de décrire.
Le pire est à venir.

J'ai renoncé hier à tous mes projets de vacances pour cette année. Je ne veux pas m'éloigner. Je veux pouvoir être rapidement auprès de lui quand l'heure fatidique arrivera, peut être bientôt. Je veux être avec lui au dernier moment. Me perdre une dernière fois dans ses yeux bleus, et l'embrasser pour emporter avec moi son dernier soupir.

Vaipaiiiii

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Message  Elleauxailes Lun 25 Fév - 21:19

Chère Martine, ton message m'a beaucoup émue. Je l'ai trouvé ce matin avant de partir au travail et ai préféré le laisser en suspend plutôt que de le lire mal. Je me trouve parfois très insensible, mais je pense que je suis encore dans le déni. C'est plus facile de se dire "c'est comme ça pour les autres, mais nous, lui, ça ne se passera pas comme ça...".

Je ne sais pas quoi te dire, sinon que ton long message est le signe de ce trop-plein de souffrance que nous accumulons tous face à la maladie de nos êtres aimés.

Si je n'arrive pas à me retrouver dans le parcours de ton papa (déni) je ne puis m'empêcher de constater une similarité entre ton histoire et la mienne au niveau de la perception des "tiers", même de la famille. Tous ces autres qui pensent que ça ne peut pas être si grave, qu'on exagère et qui vont parfois jusqu'à proposer des solutions pires que le mal.

Je vais m'arrêter là, car ce que je voulais te dire, c'est que je tu as tout mon soutien.
Rien à ajouter.
Elleauxailes
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Message  Vaipaiiiii Lun 25 Fév - 23:30

Merci Smile

Vaipaiiiii

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